Le vrai bonheur ne dépend d'aucun être, d'aucun objet extérieur. Il ne dépend que de nous...
Dalaï Lama
Témoignage de la mère d'Isabelle
Lors du Concert Bénéfice
Bonjour, je m’appelle Loren. Si je suis ici aujourd’hui, c’est pour vous faire partager une partie de mes émotions vécues en tant que mère. Expliquer en dix minutes, une vie de 27 ans, est un peu un tour de force. Au départ, je ne savais pas si je serais capable d’écrire 3 lignes, mais quand j’ai commencé à écrire, tout est devenu facile. Par contre, je vous dirais que j’ai senti un peu de frustration, je me sentais dans le trafic à l’heure de pointe, toujours sur les « breaks ». Si on m’avait demandé de venir ici au mois de juillet, mon discours aurait été sûrement tout autre, car le 21 août dernier, ma fille Isabelle est décédée.
Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’Isa (on l’appelait souvent comme ça), a eue une vie très tourmentée. Elle est née prématurément à 6 mois de grossesse, elle pesait 1 livre 10 onces et mesurait 12 pouces. Mais à sa naissance, on m’a dit que même si elle était la plus petite du département, elle était la plus combattante. Elle voulait vraiment vivre. Jusqu’à 14 ans, Isa a eue une enfance des plus normales. Elle souriait tout le temps, c’était une enfant vraiment facile. Mais à 14 ans, tout a basculé. Elle a été attirée par les groupes « punk », elle a commencé à consommer.
Elle a fait tous les hôpitaux de la ville de Québec et même Trois-Rivières. On l’avait diagnostiqué « Troubles de personnalité limite ». Honnêtement, je n’ai jamais voulu y croire. Pour moi, c’était la drogue et les médicaments en quantité industrielle qui l’on rendue ainsi... En tant que parents, ce fut un drame presque inhumain. Toutes les émotions possibles y sont passées : l’amour, la compréhension, tristesse, la colère, le pardon, la culpabilité, l’espoir et le désespoir mais le plus grand de tous : l’impuissance.
Le plus difficile fut d’avoir des réponses à nos questions. Jusqu’à sa majorité, on nous donnait quand même quelques informations. Mais à partir de 18 ans, plus rien. Un mur de silence s’est abattu sur nous. Nous devions nous contenter de ce qu’Isa voulait bien nous dire. L’autre côté de la médaille, les médecins ne voulaient pas l’entendre. On lui donnait ses médicaments à la semaine, elle les prenait en 2 jours. Le but des médicaments était qu’elle arrête de consommer, mais elle en était incapable. J’essayais de leur dire, de leur crier, mais rien à faire, elle était majeure.
Isa, avec son grand mal de vivre, a eu recours à tous les organismes inimaginables. Elle criait au secours sans arrêt. On a assisté, impuissants, à sa descente aux enfers. Pour m’aider, je me suis inscrite à des cours de relations humaines, des cours pour les co-dépendants, j’ai consulté plusieurs intervenants sociaux. Malheureusement, j’étais seule à vouloir m’en sortir.
Plus les années passaient, plus je sentais le courage me filer entre les doigts. À chaque fois qu’elle entrait en thérapie, je reprenais espoir. Une fois sortie, elle tenait à peine 2 semaines, le désespoir revenait. Un vrai « yo-yo d’émotions ». Combien de fois, je l’ai prise dans mes bras pour lui dire que je l’aimais, j’essayais de l’encourager, de trouver les bons mots. Rien ne semblait fonctionner. Isa était sans cesse en quête d’amour, ce n’était jamais assez.
C’est seulement ici, à St-Stanislas qu’elle voulait venir. Elle y est venue à 4 reprises. Elle semblait trouver ici un certain équilibre, mais ses séjours étaient trop courts. Après 2 mois, elle sortait et tout recommençait. Un des traits marquants de sa maladie était l’impulsivité. Pour donner un exemple, Isa alors qu’elle était ici en thérapie m’avait appelée pour me dire combien elle était contente, qu’elle aimait sa chambre, qu’elle mangeait bien, que tout le monde était gentil avec elle. J’étais contente. Mais le lendemain, à la même heure, elle m’appelait pour me demander d’aller la chercher, qu’elle ne pouvait plus. C’était vraiment décourageant. Le problème c’est qu’à sa sortie, elle se retrouvait devant rien.
Il n’y a presque pas d’organismes pour les recevoir tout de suite à leur sortie, et quand il y en a, c’est tellement long, il y a tellement de procédures, qu’une personne a le temps de retomber 10 fois.
Finalement, j’ai du baisser les bras, accepter de renoncer. J’étais rendue au bout du rouleau. J’étais épuisée physiquement et moralement. Les derniers mois furent très difficiles. Elle ne restait plus chez-nous mais nous appelait sans arrêt. Elle demandait beaucoup. Quand elle venait à la maison, je n’étais plus capable de regarder ses yeux, je paralysais sur place.
La dernière fois que j’ai vue Isa, elle était venue passer la journée avec son ami. Je l’ai ignorée toute la journée, je voyais bien qu’elle n’était pas bien. Je la fuyais. Je m’en voulais tellement d’être comme ça, de ne plus avoir le courage de la regarder en face.
Et le drame est survenu le 21 août, Isa est décédée. Elle était à l’hôpital depuis 4 jours et je n’en savais rien Tout ce qu’on sait pour le moment, c’est qu’elle aurait mal réagi à un médicament. Elle aurait fait une convulsion. Nous attendons le rapport du coroner.
Aujourd’hui je vous ai ouvert mon cœur, je vous ai dit le fond de ma pensée. Mais il y aurait tellement à dire. J’ai un peu le sentiment d’avoir baissé les bras 2 mois trop tôt même si on me dit que c’est normal, que j’avais une attitude d’auto-défense, que j’essayais de me protéger. J’aurais tellement aimé que tout se passe autrement.
Je pourrais dire que ce qui m’a un peu sauvé durant toutes ces années, c’est que j’en ai toujours parlé assez facilement, je n’ai jamais eu honte de ce problème. Quand j’en parlais à mes amies les plus proches, à ma famille, cela m’aidait à me libérer. J’ai vu, au fil des années, dans les yeux d’Isa, tous les effets secondaires des médicaments, mais le seul qui semblait lui faire du bien, lui donner un certain réconfort était l’amour qu’on essayait de lui donner. J’aurais aimé lui dire plus souvent, « JE T’AIME » car il est plus facile de dire « je t’aime que je t’aimais ».
En terminant, je voudrais dédié un très court poème, que j’avais composé il y a 2 ans environ. Je ne savais plus quoi inventé pour aller chercher le cœur d’Isa. C’est un poème que je voulais mettre en musique, j’aurais tellement aimé lui donné pour qu’elle sache à quel point on l’aimait. Je ne lui ai jamais donné de son vivant, mais aujourd’hui pour la première fois, je vais lui dire :
Isa ma douce, Isa ma belle
Que s’est-il passé entre Blanche Neige et Neige Blanche
Un malin lutin a surgi un jour avec des idées nouvelles
Et t’as volé tous tes beaux souvenirs d’enfance?
Isa ma douce, Isa ma belle!
Je te sais l’âme hérissée d’aiguilles
Cette conquête de sensations nouvelles et cruelles
Finira-t-elle un jour par te laisser en paix et tranquille
Isa ma douce, Isa ma belle!
Je sais ton cœur habité d’immenses douceurs
L’urgence de revivre une vie douce et nouvelle
Demande à grands cris de retrouver la clé du bonheur
Isa ma douce, Isa ma belle!
Même si mes mots sont usés et fatigués
Il me reste au fond du cœur, les plus doux à prononcer
Je t’aime Isa ma douce, Je t’aime Isa ma belle!